Que se passe-t-il à Kinshasa ?

Article : Que se passe-t-il à Kinshasa ?
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28 octobre 2013

Que se passe-t-il à Kinshasa ?

Un fait insolite s’est déroulé le 25 octobre 2013 dans un endroit réputé sûr. Les faits se sont déroulés dans le quartier dit Bumba, devant l’une des résidences de Maman Olangi Wosho, co-fondatrice de l’Eglise Chrétienne du Ministère du Combat Spirituel. La dite résidence plus généralement connue sous l’appellation de « Résidence Victoire » située sur la chaussée Mzee Laurent Désiré KABILA, a été, dans ses environs immédiats, braquée par des hommes en armes à 20 heures du soir! Les assaillants ont pendant une dizaine de minutes dépouillé vendeurs du coin et passants. Ce qui est étonnant est qu’une cinquantaine de mètres à droite des lieux du forfait se trouve le camp militaire Tshatshi et le Quartier général des Forces Armées de la RDC et moins de cinquante mètres vers la gauche, un poste de police.

Les policiers alertés par des passants se sont quant mêmes rendus sur les lieux et ont observé la scène : de loin (comme les autres passants) sans intervenir. Certains témoins affirmant même qu’ils avaient même rebroussé chemin. Lorsque les malfaiteurs chargés de butins n’avaient plus rien à extorquer, ils s’en sont allés en passant (tenez vous bien) devant le poste de police ! Ce fait insolite n’est pourtant qu’une facette d’une résurgence de la criminalité armée qui sévit ces derniers temps à Kinshasa.

Le jeudi 24, dans un quartier avoisinant Badiadingi, un autre camp militaire, des bandits armés ont pris le luxe de piller les habitants en faisant du porte à porte pendant plus d’une heure, sans être inquiété. C’est l’initiative individuelle d’un soldat des FARDC qui tira plusieurs coups de semonce en l’air qui dissuada ces malfaiteurs et les fit prendre la fuite. La semaine d’avant c’est la Commune de Mont – Ngafula qui était le théâtre de 2 braquages à main armée sans compter, le spectaculaire hold-up contre un fourgon en plein centre-ville.

Tous ces événements chronologiquement très rapprochés emmènent les observateurs à se poser des questions sur la problématique de la sécurité en RDC. En l’espace d’un mois, certains n’hésitent pas au regard de tous ces faits, de considérer Kinshasa comme la cinquième ville la plus dangereuse d’Afrique en temps de paix (derrière Benghazi, le Caire, Lagos et Johannesburg). Rien d’étonnant quant il faut adjoindre à ces escapades armées, le phénomène de criminalité urbaine récurrent dit Kuluna, où des groupes organisés utilisant des machettes comme armes, sèment la terreur.

Devant le bémol des habitants de Kinshasa (siège des Institutions), le Gouvernement avait à une certaine époque pris des mesures d’exception pour endiguer le phénomène. A l’époque de Laurent Désiré KABILA, des unités spéciales traquaient et appréhendaient les criminels en armes. Ceux d’entre eux (militaires, policiers ou civils détenteurs d’armes de guerre) étaient fusillés chaque lundi au champ de tir du camp Tshatshi. Cette mesure que décriaient les ONG de Droits de l’Homme, avait pourtant eu pour résultat de porter un frein brusque aux hold-up.
Aujourd’hui, le Gouvernement préoccupée par la situation à l’Est est débordé face à l’insécurité à Kinshasa. Si les autorités banalisent ces braquages les indexant dans le même lot que les Kuluna, la commission d’actes criminels par l’usage d’armes de guerre ne peut être considéré comme relevant de la criminalité urbaine, mais plutôt à du terrorisme.

Si les policiers censés assurer notre sécurité détalent devant des bandits, il est à se demander s’il est encore nécessaire de continuer à entretenir des forces de sécurité qui ne remplissent plus leurs missions basiques. Le président de la République, Joseph KABILA, lors de son discours de circonstance après la prise de Goma par le mouvement rebelle M23, avait reconnu la nécessité d’une refondation des forces de défense et de sécurité. Plusieurs mesures allant dans ce sens ont été lancé et les reformes graduelles du système sécuritaire, allant de la maîtrise des effectifs, du recrutement à la professionnalisation des acteurs de la sécurité congolaise sont en cours. Pour la première fois, Joseph KABILA mettait enfin l’accent sur l’amélioration de l’aspect qualitatif de nos forces.

Il sied néanmoins de noter que ces mesures ne correspondent toujours pas aux réalités du monde actuel. La RDC connait une pression démographique extrême. Les armes légères en provenance des zones de conflit de l’Est circulent de main en main et sont à la base d’un immense trafic. De tels paramètres, couplés à des pesanteurs microéconomiques en berne, ne peuvent qu’exacerber les tensions sociales (revendication salariales, mécontentements et grognes).

La convocation des concertations nationales par le Chef de l’Etat aurait pu être l’occasion de peaufiner de véritables stratégies de notre politique de défense et de sécurité. Malheureusement, l’histoire nous apprendra que les réflexions en matière de doctrine sécuritaire au Congo ne s’attaquent essentiellement qu’aux conséquences, sans jamais essayer de résorber les faits. Dans le cas d’espèces, l’action du Gouvernement dans la relance et la viabilisation de l’économie s’effectuant graduellement, il n’est pas aisé de répondre à toutes les préoccupations sociales du coup.

En juillet 2010, dans une émission produite par le Centre LOKOLE, un membre de la Mission de Police Européenne (EUPOL) accompagnant le Gouvernement dans la formation de la Police reconnaissait que les problèmes d’indiscipline au sein des FARDC tout comme de la Police relevaient plus de pesanteurs d’ordre sociales que professionnelles. Devant un pareil dilemme, il sied à mon avis de recourir à de nouvelles formules. Sans réinventer la roue, le mieux serait de procéder à une refonte totale de nos forces de défense et de sécurité en passant par trois axes :

1. La Dissolution des Forces Armées de la RDC ( FARDC)
2. La Reforme des Forces de Police et des services de renseignement
3. La Délégation de Défense aux tiers

1. De la Dissolution des FARDC

Estimées à 300.000 hommes au moment de la mise en place du Gouvernement de transition ( 1+4), les actuels Forces Armées de la RDC seraient aux dernières sources (parlementaires) estimées à 140.000 hommes. Les FARDC devant être la résultante d’un brassage entre les troupes des anciens protagonistes de la guerre congolaise post-AFDL, n’est pas une armée homogène. L’échec du brassage à donné cours à des unités fidèles à leurs anciens chef de guerre et opérant selon leur gré sans aucun respect de la chaine de commandement. Les dissidences successives du CNDP (ancêtre du M23) ainsi que d’autres cas de défection au Kasaï en disent long sur les maux qui minent l’armée congolaise.

Est-il nécessaire de continuer à entretenir des unités dont l’effectif n’est pas encore maitrisé ? De Plus, l’échec du brassage a favorisé l’insubordination et le manque d’intégrité des troupes. La prévalence des violences sexuelles à l’Est commis par des hommes en uniformes (toutes tendances confondues) en est une autre illustration. Les Kinois se souviennent de ce reportage diffusé sur TV5 en 2010, dans lequel un instructeur militaire belge était interloqué devant un soldat congolais, incapable de lui indiquer les quatre points cardinaux.

Bâtir une armée professionnelle implique plusieurs facteurs dont entre autre : une remise en question au sommet (refonte de la doctrine), une épuration des éléments perturbateurs et une reprofessionnalisation des troupes. Cette expérience se réfère à celle de l’Armée américaine qui, pendant la guerre du Vietnam, avait connu un grand passage à vide similaire (lire Into the Study of Command, Desert Storm, Tom Clancy & General Franks).

Une pareille initiative nécessite des moyens financiers, de la volonté politique et militaire et du temps. Beaucoup de temps. Avons-nous le temps pour ça ?

2. La Reforme des Forces de Police et des services de renseignement

L’Armée épurée et reformée, ces éléments devraient intégrer les Forces de Police. Une police elle-même rebâtie et refondée sur de nouveaux standards. L’absorption de l’armée par la Police permettrait d’économiser en moyens humains et financiers et de gagner en efficacité. Mais alors, à qui serait confiée la défense du territoire en cas d’insurrection ou d’invasion ?

3. La Délégation de défense

Déléguer la défense du territoire à des armées privées ! L’idée semble tirée par les cheveux mais elle est pourtant la plus logique et la plus rentable. Une armée traditionnelle ne se bat pas tout le temps et à plein effectif. Entretenir une armée en temps de paix se révèle être même parfois plus cher qu’en temps de conflit (les conflits nécessitant des moyens énormes n’étant que périodiques). Les sociétés militaires et de sécurité privées constituaient la deuxième armée de la coalition avec près de 50.000 unités déployés en Irak.
Ouvrir cette perspective permettra de disposer de soldats professionnels rôdés aux techniques de combats. La signature de pacte de défense avec d’autres pays pour assurer l’intégrité de notre territoire (Angola, Zimbabwe, Afrique du Sud) est également une bonne option.

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